Témoignages

Vétérinaires et professionnels témoignent de la violence de la condition animale dans les cirques.

"Le monde du cirque aspire à pervertir l'animalité"

Pierre-Yves Bourdil est docteur en littérature et professeur de philosophie.

"Dresser un animal consiste à insuffler une finalité à ses comportements. Elle confère un sens humain à un animal qui, naturellement, ne saurait y parvenir par ses seules capacités. L'animal dressé a un peu d'âme, quoiqu'il ne s'en rende pas compte. Le voilà devenu amusant par un transfert de sens dont l'homme entend demeurer le maître. Le cirque donne forme humaine à des gestes animaux et forme mécanique à des gestes humains. Il déconstruit la hiérarchie habituelle des êtres et brouille leur valeur. Le singe dressé semble agir intentionnellement. l'acrobate se rend au maximum prisonnier des forces physiques. L'animal fait rire. L'acrobate fait peur. Le clown fait sans doute les deux.

Le cirque se constitue comme une société du monstrueux. Il n'y a peut-être pas de lieu où la métaphysique soit autant mise en question. A tous les niveaux, le monde du cirque aspire à pervertir l'animalité, de telle manière que, par contraste, les spectateurs se sentent humains avec la plus grande intensité, à ceci prêt que tout reste au plan de la seule apparence. Les points de repère sont désorientés. Comme la philosophie, en un sens, le cirque procède de l'étonnement, mais cet étonnement demeure simulacre, il loge dans les phénomènes au lieu de naître dans l'intelligence du spectateur. Il faut même, comme en une sublime prestidigitation, que l'intelligence du spectateur soit toujours court-circuitée..."

Extrait de "L'étrange existence de l'animal", Pierre-Yves Bourdil, 2001.

"Il faut systématiquement un rapport de force"

Le Dr Marie-Claude Bomsel est docteur, vétérinaire et professeur au Muséum d'histoire naturelle

Interview réalisé par la Fondation 30 millions d'Amis

" Un fauve aime à marquer certains endroits, il a ses poses, ses odeurs, ses repères. C'est impossible, vous avez la continuité des cages, l'un urine, l'autre urine à côté, immédiatement ils sont partis dans une frénésie complète. L'ours qui est un solitaire a besoin d'être caché, il faudrait lui laisser aussi sa tanière, ça leur est impossible dans les cirques, donc automatiquement il y a un malaise psychologique et il y a immédiatement derrière des maladies et alors ces mouvemenst stéréotypés systématiques...

Un mouvement stéréotypé c'est dû au fait qu'on ne peut exprimer son répertoire comportemental, donc on le fait de façon partielle et après ça s'inscrit vraiment dans le système nerveux et on le fait comme un passage à vide, presque pour ne pas penser, une espèce de pansement du système nerveux du cerveau et qui permet de supporter l'insupportable, un vide absolu, le néant total. tigre sur piste cirque Le public en veut toujours plus, il veut de l'exploit, il veut l'animal gros, il le veut tout prêt avec un risque maximal et il ne voit rien.

Si nous public on exige de l'exploit, on veut de la folie, on entraîne cela parce que les fauves ce sont des chats, vous avez déjà essayé de dresser un chat ? C'est la même chose. Ce sont des animaux solitaires donc il faut systématiquement un rapport de force et de violence entre eux... "