De quoi souffrent-ils

De maux physiques et psychologiques : stéréotypies, arthrose, tuberculose...
Démonstration en images
Balancements d'une patte sur l'autre d'un éléphant d'Afrique

Le syndrôme de Stockholm

Par le Dr Bruno Lassalle, Docteur Vétérinaire - Ancien directeur du zoo de Vincennes

La détention d’un animal, d’une espèce domestique ou non, s’accompagne nécessairement de contraintes exercées sur son comportement naturel. Ces contraintes génèrent ou non des souffrances observables. De très nombreux chiens de compagnie subissent des contraintes très pesantes, qui infléchissent leur comportement naturel, sans souffrances évidentes. Le mal-être est bien souvent détectable chez les chats d’appartement, qui pour la plupart arrivent cependant à conserver un certain équilibre mental. En revanche les animaux de rente sont de grandes victimes et en particulier ceux que l’élevage industriel exploite se voient privés des possibilités d’exprimer leurs comportements naturels.

Article L214-1. Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce.

Les animaux de cirque, et particulièrement d’espèces non domestiques, se voient imposer des conditions de vie totalement modifiées par rapport à celles auxquelles leur espèce s’est adaptée. Le premier constat, immédiat, concerne les aspects sociaux. Les animaux sociaux, comme les éléphants et la plupart des herbivores, sont astreints à vivre en solitaire, tandis que les animaux solitaires comme les tigres doivent composer avec une vie de groupe. D’autre part les cirques n’offrent pas aux animaux captifs d’enrichissement de leur milieu, qui leur permettrait d’exprimer leurs comportements naturels. Cette privation sensorielle se traduit par des troubles du comportement, dont les plus détectables sont les stéréotypies, définies comme des séquences comportementales incongrues, répétitives et sans signal d’arrêt.

Les tigres qui sillonnent leur cage à l‘infini, posant leurs pattes toujours aux mêmes endroits, les éléphants qui balancent leur tête, les ours qui tournent en rond et répètent à chaque passage le même mouvement de la tête, les singes qui se bercent comme dans un balancement d’enfant autiste, les oiseaux qui s’arrachent les plumes… tous ces signes et tant d’autres traduisent des troubles du comportement qu’il est d’usage d’assimiler à la psychose chez l’homme – autant dire à une perte de la capacité à appréhender le réel.

On ne s’étonne pas que des animaux psychiquement si fragilisés reportent sur leur dresseur les interactions qu’ils ne peuvent pas avoir avec leurs congénères – qu’ils soient seuls quand ils devraient être en groupe, ou au contraire dans un groupe contre nature qu’on leur impose. Cette relation malsaine, avec un dresseur qui ne perçoit pas nécessairement la détresse de l’animal, crée un équilibre qui permet à l’animal de survivre tant bien que mal. Et séparer l’animal de son dresseur rompt cet équilibre – voici pourquoi la relation dresseur-animal peut évoquer le fameux syndrome de Stockholm, qui décrit l’attachement (le transfert) que peuvent manifester des otages humains pour leur ravisseur. En aucun cas ce lien animal-dresseur ne peut justifier de remettre en question l’objectif de l’interdiction des animaux dans les cirques – au moins les animaux d’espèces non domestiques.

Les mêmes troubles s’observent dans les parcs zoologiques ; détenir des ours ou des éléphants sans qu’apparaissent de stéréotypies est une gageure. Mais les zoos comptent parmi leurs obligations de permettre aux animaux d’exprimer leurs aptitudes comportementales, et l’enrichissement des milieux s’est développé dans les dernières décennies. Pour le moment, les menaces extrêmes d’extinction de certaines espèces, dont les biotopes sont détruits ou en passe de l’être, justifient encore d’héberger des spécimens dans des parcs – éventuellement en les présentant au public, comme dans les zoos, ce qui peut constitue un apport financier indispensable…

L’objectif des parcs zoologiques est de maintenir chez les animaux captifs une diversité génétique et des variétés de comportements telles que la réintroduction de l’espèce dans son milieu naturel reste envisageable. Les animaux de cirque ne permettent pas de soutenir cet objectif : statut génétique inconnu, ainsi que le statut sanitaire, et perte des comportements naturels. Ces animaux n’ont plus leur place nulle part, ni dans la nature, ni dans les zoos. Ils ne sont plus que des machines dangereuses, des accessoires d’un spectacle désolant et archaïque.

Démonstration

1. Observation

2. Signification

Selon Mac Bride et Craig, ces comportements stéréotypés sont les « manifestations d’un échec à s’adapter de façon appropriée, et peuvent donc acquérir valeur de critère pour l’adéquacité des environnements d’hébergement au long cours pour les animaux. »

Selon I.Hannier, ces troubles du comportement sont des «marqueurs des états de mal être chroniques».

Selon F.Wemelsfelder, "les stéréotypies sont la preuve de l'existence d'une souffrance chronique".

Le zoologue Fred Kurt considère que ces mouvements stéréotypiques chez l’éléphant peuvent être apparentés à la folie humaine…

3. Conclusion

Ces animaux souffrent d'un mal être chronique, dû à la totale inadéquation des structures itinérantes à leurs besoins comportementaux.

4. Solution

L'application de la loi et donc l'interdiction de détention de ces animaux dans les cirques.

En effet l'article L.214-1 du code rural prévoit que "tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce".

Sources
BRIDE Mc, GLEN & CRAIG, J.V., « Environmental design and its evaluation for intensively housed animals» in Bresard B., 1985.
HANNIER I., in le point vétérinaire vol.26 n°165, février 1995.
WEMELSFELDER, F., “The concept of animal boredom and its relationship to stereotyped behaviour” in : Lawrence, A.B. & Rushen, J. (Éds). Stereotypic Animal Behaviour. Fundamentals and Applications to Welfare. CAB International, U. K.,1993. Images filmés dans la ménagerie du cirque Arlette Grüss en septembre 2005.